En 1831 s'est tenu au tribunal de Rouen un procès opposant le sieur Baton au sieur Lanne dont voici l'histoire:
"Le sieur Baton, marin classé, avait obtenu du ministre des finances, par l'intermédiaire du commissaire de la marine, l'autorisation de naviguer, sous pavillon de France, pour le petit cabotage, la pêche sur la côte, etc... Il en profita pour transporter, avec son bateau, quand l'occasion s'en présentait, des personnes et des marchandises d'une rive de la Seine aux bateaux de la Bouille qui montent et descendent la rivière.
L'adjudication du passage du bac établi au Val-de-La-Haye, à la traverse de la Seine, le sieur Lanne, a prétendu que Baton, quoiqu'il exerçât son industrie à une certaine distance du passage de son bac, lui causait un préjudice; il l'a cité devant le juge de paix, et a conclu à ce que défense lui fût faite de passer des voyageurs avec leurs marchandises aux bateaux de la Bouille, et à 75 francs de dommages-intérêts.
Batou a répondu qu'il ne passait point d'une rive de la Seine à l'autre; que son bateau n'était pas établi dans les limites assignées à celui dont Lanne est fermier; qu'enfin, étant marin classé, et ayant une permission du ministre des finances, il pouvait user de cette permission comme bon lui semblerait; que, d'ailleurs, Lanne n'avait pas le droit exclusif de transporter les voyageurs aux bateaux de la Bouille, et que ce droit ne faisait pas partie de son passage.
Jugement du tribunal de paix qui accueille la demande et condamne Baton à 50 francs de dommages-intérêts, par le motif, entre autres, que l'autorisation de naviguer, dont Baton était muni, n'émanait point d'une autorité administrative.
Appel, et confirmation par le tribunal de Rouen, "attendu qu'il est constant, en fait, que Baton s'est établi au Val-de-la-Haye, à poste fixe, et qu'il passe dans son bateau d'une rive de la Seine aux bateaux de la Bouille, des voyageurs et des marchandises, ce qui est contraire au droit exclusif conféré à Lanne par un titre authentique".
"Sur le pourquoi, la Cour:
- Attendu, sur le moyen d'incompétence, qu'il ne s'agissait pas d'interpréter des actes administratifs, mais seulement de maintenir le défendeur éventuel dans la jouissance du droit de bac et passage d'une rive à l'autre de la rivière Seine, à l'endroit déterminé par l'adjudication qui lui en a été fait à la préfecture de Rouen;
- Sur le moyen du fond, attendu que ce droit, ainsi défini, n'a rien de commun avec le congé de navigation pour le petit cabotage et la pêche sur la côte délivré par le commissaire de la marine au demandeur en cassation, en vertu de la loi du 27 vendémiaire an 2; que c'est précisément pour empêcher l'empiètement d'un service sur l'autre, que l'article 9 de la loi du 6 frimaire an 7 défend aux propriétaires des barques et batelets destinés à la navigation d'établir de passage à heures ni lieu fixes; que, s'il en était autrement, les adjudicataires du droit de bac et passage se trouveraient privés de partie des produits de leurs baux dont ils paient le fermage à l'état;
- Et attendu, en fait, qu'il a été reconnu par les premiers juges que le demandeur stationnait à poste fixe sur la rive de la Seine, près de l'endroit où le bac était établi; qu'il y embarquait des voyageurs et des marchandises pour les transporter, sinon à l'autre rive, au moins jusqu'au coche d'eau qui les recevait à son bord; et qu'en réprimant cette entreprise, le jugement attaqué a fait une juste application de la loi;
- Rejette, etc". (Cour de cassation, 10 mai 1831.).
Source: "Le Juge de paix: recueil de jurisprudence civile et de police" par M. Victor Augier.
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