Mais si l’intention
était bonne, elle était cependant dictée par le seul besoin de mettre en place
une administration efficace et donc de former des fonctionnaires aptes à
veiller aux intérêts du royaume. D’où un effort incontestable pour la formation
des élites, mais des effets très réduits sur l’instruction du peuple.
Le véritable
essor de l’enseignement à Saint-Pierre-de-Manneville trouve plutôt sur origine
dans la volonté qu’eut Guillaume de Tancarville de fonder en 1114 une abbaye à
Saint-Martin-de-Boscherville, et d’y installer des moines de l’ordre de Saint
Benoît.
Les
bénédictins en effet avaient à cette époque au nombre de leurs missions, la
conservation et la transmission de la culture et par suite l’éducation des
populations. L’appartenance de Saint-Pierre-de-Manneville à la doyenneté de
Saint-Georges fut de ce point de vue une véritable chance pour les villageois
(mais peut-être les enfants du XIIe siècle ressentaient-ils les choses
différemment !).
L’enseignement
dispensé restait cependant encore très rudimentaire, l’objectif des moines
n’étant pas tant de former des érudits que d’apprendre aux villageois les
rudiments de la lecture et de l’arithmétique afin que ces derniers puissent
gérer aux mieux les cultures et les rendements forestiers dont les moines restaient
à l’époque les premiers bénéficiaires, après le roi bien sûr…
Ce n’est donc
pas tout à fait un hasard si notre village comptait au nombre de ses habitants non
seulement quelques artisans très réputés, tel Christophe Béranger Maître maçon
et imaginier de pierre et de bois du XVIe siècle, dont la réputation était
telle qu’il se vit confier la réalisation du crucifix de l’ancienne église Notre-Dame
de la Ronde à Rouen et la restauration
du jubé de l’église de Caudebec-en-Caux, mais encore quelques familles qui sont
parvenues à se hisser dans l’échelle sociale, telle la famille le Cacheur dont l’un des membres devint même lieutenant
de Robert de Pommereul, maître des eaux et forêt en Normandie et en Picardie et
1er écuyer du roi François 1er.
L’un et
l’autre bénéficiaient d’une certaine instruction qui permit au premier de
maîtriser son art, et au second de gravir rapidement l’échelle sociale de
l’époque, jusqu’à être finalement qualifié de « seigneur des Landres et de
Villiers », fief situé à Saint-Pierre-de-Manneville et à sa famille de
devenir propriétaire du fief de Bellegarde.
Pourtant, sauf
à se destiner à une vie monacale, les petits Mannevillais se contentaient le
plus souvent d’un enseignement « à
l’économie », dispensé tout d’abord au monastère, puis directement par les
curés successifs de l’église, ou leurs clercs, dans les granges ou étables,
faute de locaux dédiés. La scolarisation était de toute façon de courte durée,
le travail au champ restant la priorité.
Ce ne fut
qu’au début du XVIe siècle que les premières réglementations de l’instruction
virent le jour dans nos villages, de par la volonté de Georges d’Amboise,
Archevêque de Rouen, qui en 1520 imposa l’enseignement dans toutes les écoles,
de la grammaire, lecture, arithmétique et doctrine chrétienne.
Tout était
alors réglé : prix à payer aux maîtres, durée des classes, époque des
congés et des vacances : cours en été de 8h00 à 11h00, et de 14h00 à
16h00 ; catéchisme deux fois la semaine, congés le Jeudi toute la journée
et le Samedi après-midi… 20 sols par mois pour l’enseignement de la doctrine
chrétienne et de la grammaire latine ; 30 sols pour apprendre à lire,
écrire, chiffrer ; 40 sols pour montrer à lire et apprendre le catéchisme
…
Mais la seule
volonté de Georges d’Amboise n’a pas suffit à faire de l’école une véritable
institution, et la baisse du nombre d’ecclésiastiques eut des conséquences
fâcheuses sur le maintien et le développement des écoles.
Il faudra
attendre le milieu du XVIIIe siècle pour que Saint-Pierre-de-Manneville voit le
premier véritable contrat de fondation d’une école se conclure entre Michel
Louis Méry (sieur de Villers, et ancien échevin de Rouen) et Marie Blondel
(dame d’Hardouville et chanoinesse en l’église métropolitaine de Rouen),
répondant en cela à la volonté des sœurs d’Ernemont de fonder des écoles dans
la plupart des campagnes.
L’on passa
dès lors d’un enseignement très rudimentaire et occasionnel, à un enseignement
véritablement institutionnalisé, dispensé dans un lieu dédié, par un maître
attitré, et laïque.
Mais ce
passage ne fut pas sans poser quelques problèmes : il fallut construire
des écoles pouvant accueillir quotidiennement les élèves, et donc trouver le
financement pour ces constructions, et pour la rétribution des maîtres.
Ainsi peut-on
lire dans les archives de la fabrique de l’église de Saint-Pierre-de-Manneville
qu’en 1786, le conseil de fabrique vota l’attribution au maître d’école, outre
son logement, d’un traitement annuel de 300 livres (à peu près 15 Euros par
mois), financé pour un tiers par la fabrique elle-même, et pour le reste par
les habitants du village. Tous les maîtres d’écoles n’étaient en effet pas
comme un certain Robert Dupuis « maître d’école d’une probité connue, de
bonnes vies et mœurs, ayant la capacité et les talents requis » qui
s’était en son temps engagé d’instruire gratuitement tous les garçons de la
paroisse de Saint-Pierre-de-Manneville sur la lecture, l’écriture,
l’arithmétique et les devoirs chrétiens…
L’école de
garçons fut donc réédifiée en 1782, afin de pouvoir accueillir les 50 élèves et
loger leur maître, puis fut construite une école des filles en 1785, pour le
même nombre d’élèves et le logement de l’institutrice. Cependant, dès 1881,
l’école de fille se révéla insalubre, et son propriétaire, Paul Mery de
Bellegarde, renonça à y faire les travaux nécessaires, faute de pouvoir trouver
une institutrice issue des congrégations enseignantes catholiques : Jules
Ferry venait en effet d’instaurer l’obligation de recourir à des instituteurs
laïques, y compris pour les filles.
Plans d'origines de la Mairie. |
D’où la
nécessité pour le Conseil Municipal de trouver une solution d’urgence : la
classe, tant pour les filles que les garçons, se fera donc dans un immeuble,
route de Quevillon, acheté en 1883. L’enseignement sera dispensé par l’instituteur
de l’école communale qui touchera un supplément de rémunération pour le surplus
de travail que représentait pour lui la prise en charge des filles.
Mais cette
solution n’était évidemment que provisoire, et l’idée germait déjà de créer une
école plus vaste avec des locaux mieux adaptée, capables d’accueillir dans de
bonnes conditions filles et garçons. C’est pourquoi, dès 1882, avec
l’approbation du Conseil Général et du Ministre de l’instruction publique, le
Conseil Municipal décida de faire l’acquisition d’une propriété bâtie au N° 67
du Chemin de Grande Communication, pour 10 000 francs. Ce bâtiment
deviendra notre actuelle Mairie.
Mais la
finalisation du projet prendra beaucoup plus de temps que prévu :
obtention des subventions, mise en œuvre des travaux de mise en conformité et
de rénovation du bâtiment… Il faudra encore attendre près de 25 ans pour que
les locaux soit enfin prêts à accueillir les élèves, plus précisément jusqu’à
Noël 1907, date à laquelle l’ancienne bâtisse de la route de Quevillon fut
revendue, dans un état de délabrement avancé.
La nouvelle
école abritait au rez-de-chaussée deux salles de classe, et à l’étage la salle
de Mairie et le logement de l’instituteur.
Les travaux
de réfection de la façade ne s’achèveront qu’en 1911, grâce, notamment à un don
de 360 francs de M. Auger, qui permit de boucler le budget. L’Ecole de
Saint-Pierre-de-Manneville était enfin terminée !!!
L’électricité
arrivera en 1931, puis le puits avec pompe à mains, fera son apparition en 1933
pour être remplacé par un groupe électrique en 1947. Le téléphone fera son apparition en 1946.
Enfin fut
construite une cantine scolaire en 1954, qui servira également de salle de
classe pour accueillir les maternelles en 1978, la salle de la mairie étant
déjà occupée depuis 1961par les élèves.
Devenus trop
exigus ces locaux seront même complétés d’une construction préfabriquée.
Cette
situation perdurera jusqu’en 1981, date à laquelle fut décidée la construction
de l’actuel groupe scolaire « Louis Pergaud », ainsi nommé en hommage
à l’auteur de la célèbre « guerre des boutons », et inauguré en
Décembre 1982. L’ancien bâtiment devint dès lors la mairie, telle que nous la
connaissons aujourd’hui.
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